Mon
quartier est celui du
plateau Saint-Gilles, du boulevard Kleyer et des Grands Champs, à
cheval sur les communes de Liège et Saint-Nicolas.
Je
vais donc vous présenter ici les endroits liégeois et
saint-clausiens qui constituent mon environnement quotidien.
Le
plateau Saint-Gilles
:
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1.
Rond-point au sommet des rues St-Laurent et St-Gilles.
2.
Le dernier tronçon de la rue St-Gilles.
3.
La rue St-Nicolas.
4.
la rue de Tilleur.
5.
Cour St-Gilles.
6. Église romane St-Gilles.
7. Rue Courte.
8. Cimétière St-Gilles.
9. Rue Henri Maus.
10. Boulevard Louis Hilier.
11. Rue Chauve-Souris.
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La
rue Saint-Gilles est une très longue artère qui
part du Pont d'Avroy, au centre-ville, pour se terminer sur
les hauteurs du Publémont. Le plateau Saint-Gilles, au
sommet de cette rue, est très commerçant. Le voici
en 1926 et en 2006 : |
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L'immeuble
désigné par la flèche rouge est originaire
du XVIIIème siècle. On le retrouve sur les deux
photos ci-dessous, en 1944 et 1960 : |
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En
1920. |
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En
2006. |
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En
1920. |
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En
2006. |
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Parmi
ces bâtiments abandonnés (photo des années
1970), figure la Maison du peuple inaugurée en 1914. |
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Ce
dessin figurait sur une carte postale vendue pour financer la
construction de la Maison du peuple. |
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La
Maison du peuple a été démolie en 1981,
laissant un chancre urbain visible ici dans les années
1990. |
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Le
chancre urbain ne disparaîtra
qu'en 2006, avec la construction de la résidence Deltour. |
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L'installation
d'une sculpture, en juin
2006, sur le rond-point de Saint-Gilles. |
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Cette
œuvre d'art contemporaine a été réalisée
par l'artiste liégeoise Babette Baibay. Elle est intitulée
«
il s'élance », le pronom désignant le
quartier du plateau Saint-Gilles. La spirale qui entoure le
totem, normalement pointée vers le ciel, est un encouragement
à oser l’avenir, l’inconnu… |
Quelles sont les origines du quartier ?
Gilles
d’Orval, chroniqueur du XIIIème siècle, rapporte
l’existence, sur les hauteurs de Saint-Gilles à l’époque
romaine, d’un ravin surnommé le Puits d’Enfer,
d’où sortent la foudre et les tempêtes. Ce racontar,
amplifié à la Renaissance par des auteurs passionnés
de culture greco-latine, a donné naissance à une légende
qui voudrait qu’un autel ait été érigé
à l’extrémité du Publémont, dès
l’Antiquité, pour satisfaire au culte de Vulcain, le
dieu du feu.
Aucune
trace archéologique n’atteste l’existence de ce
sanctuaire antique, mais l’allusion à des phénomènes
climatiques n’est pas sans fondement, car de tout temps, on
a redouté les grands vents de Saint-Gilles, ainsi que les orages
violents déversant des torrents vers la vallée. Des
récits médiévaux en témoignent, et d’anciennes
expressions wallonnes évoquent des phénomènes
météorologiques : « li trô del plêve
», « li trô di grands vints », « li
mâva trô » (le trou de la pluie, le trou des grands
vents, le mauvais trou).
En
réalité, les origines et le nom du quartier remontent
à la fondation, il y a près de dix siècles, d’un
oratoire chrétien dédié à saint Gilles.
La
légende de saint Gilles
Le futur saint Gilles naît à Athènes vers
640, dans une famille de lignée royale. Son éducation
se révèle brillante, comme il se doit pour quelqu’un
de son rang. Ses parents s’attachent tout particulièrement
à lui inspirer un ardent amour pour la lecture des
livres sacrés.
Dès
son enfance, il reçoit une profonde éducation
chrétienne qui fructifie en une sainteté précoce.
Un jour qu’il se rend à l’église,
alors qu’il est adolescent, il se prend de compassion
pour un infirme gisant sur la place et lui demandant l’aumône :
il se dépouille de sa riche tunique pour l’offrir
au malheureux, qui recouvre aussitôt la santé.
Le
jeune homme comprend, à ce miracle, combien la générosité
est agréable à Dieu. À la mort de ses
parents (il n’a que vingt-quatre ans), il distribue
tous ses biens aux miséreux et se voue lui-même
à la pauvreté et à la mortification.
Les
miracles se multiplient à son contact. On cite notamment
la guérison d’un homme mordu par un serpent venimeux
et l’exorcisation d’un possédé qui
trouble un office religieux par ses clameurs.
Tableaux quadrilobés (église Saint-Gilles
de Liège) représentant saint Gilles accomplissant
des prodiges et sculptant une statue de la Vierge :
Gilles
s’effraie de sa popularité. Il se rend souvent
en bord de mer, dans l’espoir de s’embarquer sur
quelque vaisseau qui l’éloignerait de sa patrie,
où sa sainteté connue de tous afflige son humilité.
Un jour, il aperçoit un navire menacé par une
épouvantable tempête ; il calme les flots
furieux par ses prières, et les marins, en reconnaissance,
l’accueillent à bord pour le conduire sur la
côte méridionale de la Gaule.
De
Marseille, il part pour Arles, ville de grand commerce où
la langue grecque est couramment usitée. Il a l’intention
d’y mener une vie obscure, à l’abri des
honneurs, mais Dieu en décide autrement. Hébergé
chez la veuve Théocrite, il en guérit la fille,
qu’une forte fièvre accable depuis des années
malgré tous les soins que la médecine lui prodigue.
À la suite de la renommée que lui vaut ce nouveau
miracle, il est appelé auprès de Césaire,
l’évêque de ce diocèse.
Au
bout de deux ans, Gilles quitte secrètement le prélat
pour se rendre de l’autre côté du Rhône,
sur les bords escarpés du Gardon, où il espère
vivre à l’écart de la société.
À
quelques lieues du célèbre aqueduc romain, il
rencontre un ermite vivant dans une grotte. Il s’agit
de Vérédème, originaire lui aussi de
Grèce. Il le prend pour maître et obtient de
partager sa retraite et son expérience contemplative.
Ensemble, ils rendent fertiles, par la prière, les
terres proches de leur refuge, pour que la nature satisfasse
à leurs besoins.
Mais
les miracles qu'ils réalisent attirent de plus en plus
de monde, et Gilles, qui aspire à vivre loin des louanges,
se résoud à quitter son compagnon pour aller
chercher la solitude à Nuria, vallée des Pyrénées
située à deux mille mètres d’altitude,
en Catalogne espagnole.
Selon
la tradition, c’est vers 670 qu’il s’installe
à cet endroit, où il va rester quatre ans. Il
y consacre son temps à sculpter une statue de la Vierge
Marie.
Ci-dessous
à gauche, la statue de la Madone vénérée
encore actuellement dans le sanctuaire espagnol de Nuria.
La
légende l'attribue à saint Gilles au VIIème
siècle, mais il s'agit en réalité d'une
oeuvre romane polychromée qui a été vraisembablement
sculptée au XIIème ou début du XIIIème
siècle.
À
doite, une réplique de cette Vierge exposée
dans l'église Saint-Gilles de Liège :
Obligé
de fuir Nuria à cause des persécutions romaines
à l’encontre des Chrétiens, Gilles regagne
la France et recherche la solitude dans l’épaisse
forêt qui s’étend entre Nîmes et
la Camargue. Il y trouve refuge dans une grotte à proximité
d’une source. Dégagé de toute préoccupation
terrestre, il ne vit que pour Dieu, dans l’adoration
et la contemplation. Il se nourrit d’eau et d’herbes,
mais la providence divine lui envoie une biche pour l’alimenter
de son lait.
Ici se situe la scène qui a maintes fois inspiré
les artistes. La biche apprivoisée, traquée
par des chasseurs de Wamba, roi des Wisigoths d’Espagne
se met à l’abri dans l’antre de son maître.
À deux reprises, la meute n’ose s’aventurer
dans la végétation sauvage qui protège
le gîte. Informé du phénomène,
le roi soupçonne un prodige et en fait part à
Arégius, l’évêque de Nîmes.
Tous deux décident, le jour suivant, d’accompagner
les veneurs dans leur chasse. Une nouvelle fois, les chiens
sont miraculeusement repoussés, mais un archer décoche
une flèche au hasard, à travers les broussailles.
La
troupe réussit finalement à s’ouvrir un
chemin dans les fourrés épais. Wamba et Arégius
découvrent alors Gilles à l’entrée
de sa grotte, blessé la main par la flèche tirée
quelques instants auparavant.
Ils
interrogent l’ermite, qui les émeut en racontant
la vie qu’il mène au service de Dieu ; ils se
jettent à ses pieds pour lui demander pardon et lui
proposent d’immenses richesses. Gilles refuse tout présent,
mais suggère de faire construire un monastère.
Il finit même par consentir, malgré sa répugnance
à occuper une fonction élevée, à
en assumer la direction.
Tableau quadrilobé (église Saint-Gilles
de Liège) représentant Saint-Gilles obtenant
les faveurs du roi Wamba et de l'évêque Arégius
(l'ermite a la main transpercée d'une flèche,
et sa biche nourricière est couchée à
ses pieds) :
Telle est l’origine de l’abbaye de Saint-Gilles
du Gard, en Provence, avec Gilles comme premier abbé,
à la tête d’une communauté de religieux
respectant les règles de saint Benoît, ordre
prépondérant dans la Gaule de l’époque.
En
719, les Sarrasins, qui contôlent l’Espagne, franchissent
les Pyrénées et s’emparent d’une
grande partie de la Provence, pillant et incendiant de nombreuses
églises et abbayes. Gilles se rend à Orléans,
au pays des Francs, où il rencontre Charles Martel
(le grand-père de Charlemagne), dont il obtient la
promesse que son monastère sera relevé de ses
ruines après la victoire sur l’occupant, victoire
acquise en 721.
Gilles
meurt un premier septembre entre 721 et 725. Son tombeau,
dans l’église abbatiale, devient rapidement l’objet
d’une intense vénération. La ville de
Saint-Gilles du Gard se développe autour du lieu saint,
qui est mentionné, dès le XIème siècle,
comme le troisième but de pèlerinage de la chrétienté,
après Rome et Compostelle.
L'abbatiale
de Saint-Gilles du Gard et la place qui lui fait face :
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À
la fin du XIème siècle,
l'actuel plateau Saint-Gilles est une épaisse forêt inhospitalière,
traversée cependant par le chemin qui mène de Liège
à Huy, étape vers la France. Les lieux sont malfamés,
peuplés de bêtes sauvages et de bandits qui s’attaquent
aux voyageurs.
C'est
pourtant là, vers 1083, qu'un certain Goderan, jongleur-ménestrel
désireux de se consacrer à la méditation, sollicite
le droit, auprès du père-abbé Bérenger
de l'abbaye bénédictine de Saint-Laurent, d'aménager
un ermitage sur les hauteurs boisées du Publémont, terres
qui appartiennent à cette abbaye.
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Le père-abbé Bérenger accède à
cette demande, et Goderan y édifie, avec l'aide de
son ours savant, un petit ermitage et un oratoire dédié
à saint Gilles.
L'ours
dressé aide Goderan à tirer le chariot rempli
de pierres (tableau quadrilobé, église Saint-Gilles
de Liège).
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La légende voudrait que ce Goderan
soit originaire de l'abbaye de Saint-Gilles du Gard, mais il ne s'agirait
là que d'une interpolation de Jean d'Outremeuse, auteur à
l'imagination généreuse.
Goderan
pratique largement l'hospitalité. Il est rejoint par d'autres
hommes et femmes attirés par son idéal de vie. Il fait
construire, pour les abriter, de petites maisons dont l'ensemble forme
progressivement une communauté dédiée à
saint Gilles.
À
sa mort, on enterre le corps du fondateur près de l'autel de
la petite chapelle Saint-Gilles. En 1115, le prieuré est soumis
à la règle de saint Augustin. En 1124, le prince-évêque
Albéron élève ce prieuré au grade d’abbaye,
en augmentant son domaine
territorial et nommant un abbé à la tête des chanoines
réguliers.
Le
prince-évêque Albéron 1er, en 1124, ordonne
des travaux pour remplacer l'oratoire de Goderan par une église
beaucoup plus spacieuse, qu'il consacre lui-même en 1127.
La
consécration de l'église Saint-Gilles par le prince-évêque
Albéron (tableau quadrilobé, église Saint-Gilles
de Liège) |
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L'église
érigée par Albéron est en forme de croix
latine, de style roman-mosan. Les matériaux sont pris
sur place : moellons de grès schisteux et de grès
houiller. Il y a du charbon, en effet, sous le sol du Publémont,
et les moines ne tardent d'ailleurs pas à l'exploiter.
En
vert : l'oratoire bâti par Goderan. En bleu : le transept
ajouté vers 1115. En rouge : les parties démolies
en 1124. En noir : les agrandissements dûs à
Albéron 1er.
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Tout
naturellement, le prince-évêque Albéron
obtient d'être enterré dans l'église de
Saint-Gilles qu'il a consacrée.
On
y voit encore aujourd'hui à sa mémoire une pierre
tombale qui n'est pas la pierre originale, détruite
lors d'un incendie en 1568, mais un mémorial gravé
en 1646 par le père-abbé Jean de Nollet
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L'abbaye
de Saint-Gilles et le plateau Saint-Gilles sur un fragment
de carte de 1649.
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Le même endroit dans la première décennie
du XXIème siècle, vu grâce à Bing
Maps de Microsoft. |
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Le
monastère, au cours de sa longue existence, est frappé
par bien des malheurs. En 1468, il est pillé et incendié
par les hordes bourguignonnes de Charles le Téméraire.
Les moines doivent aliéner leurs revenus pour parer
aux réparations les plus urgentes, puis il faut attendre
le début du XVIème siècle, sous le règne
du prince-évêque Érard de la Marck, grand
mécène, pour que l'abbaye commence véritablement
à renaître.
Cette
pierre tombale, dans l'église Saint-Gilles de Liège,
est celle de l'abbé Wauthier de Bréda, qui achève,
vers 1540, de reconstruire les bâtiments claustraux.
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En
octobre 1568, le couvent est à nouveau saccagé, cette
fois par les troupes de Guillaume d’Orange, qui passent par
Liège pour fuir l’armée du duc d’Albe traquant
les calvinistes. Les lieux sont restaurés, et voici comme ils
apparaissent dans une enluminure de 1584 :
Lambert
Le Ruitte, le prélat qui dirige l’abbaye de Saint-Gilles
de 1719 à 1738, est féru de nouveauté. Pour mettre
les bâtiments monacaux « au goût du jour »,
il leur apporte de profondes transformations. Au niveau
de l'église, il bouleverse la tradition qui veut que le choeur
soit orienté vers l’est pour que les rayons du soleil
levant l’illuminent pendant la première eucharistie.
Le transept et le chœur d’origine sont supprimés
et remplacés par un porche d’entrée. Le maître-autel
et les stalles sont désormais placés à l’ouest,
sous la voûte du clocher.
Gravure
de Remacle Le Loup représentant l'abbaye de Saint-Gilles
vers 1740. |
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Le
même endroit dans les années 1950 et en 2008
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L'église
en 1850, avec le porche d'entrée dû le siècle
précédent à l'abbé Lambert Le Ruitte. |
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Le
même endroit en 2013. |
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Revenons-en
à l'histoire de l'abbaye à la fin du XVIIIème
siècle. Le nombre de chanoines réguliers ne cesse de
diminuer, sans compter que la discipline religieuse connaît
d’importants relâchements. En septembre 1785, l’abbé
Laurent Chantraine et son chapitre adressent une supplique au pape
Pie VI et au prince-évêque César-Constantin-François
de Hoensbroeck ; ils demandent leur sécularisation et leur
incorporation, avec leurs revenus, à la communauté de
Saint-Jacques qui comporte moins de chanoines que les autres collégiales
liégeoises. Leur requête est acceptée en février
1786. L’abbaye de Saint-Gilles est désertée après
quelque sept siècles d’existence, son mobilier vendu
aux enchères.
La fin du XVIIIe siècle est marquée par la révolution
liégeoise puis l’intégration de la principauté
de Liège à la France. L’église de Saint-Gilles
et l'abbaye abandonnée échappent à la fureur
destructrice de cette période mouvementée. À
la suite du Concordat de 1801, l’ancienne église abbatiale
reprend du service comme paroissiale. D’importants travaux sont
nécessaires, de 1803 à 1807, pour transformer et remettre
en état cet édifice désaffecté depuis
dix-sept ans. Les autres bâtiments monacaux sont convertis en
habitations.
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L'église
Saint-Gilles vers 1885.
Tout
au long du XIXème siècle, l’église
a souffert des affaissements de terrain que provoque dans
les alentours l’exploitation intensive du sous-sol houiller.
En 1885, le curé Hyacinthe Demaret et le conseil de
fabrique décident un sauvetage total et un agrandissement
jugé indispensable vu l’augmentation de la population
locale et donc des fidèles. La conception du projet
est confiée à l’architecte gantois Auguste
Van Assche, bien connu à Liège pour les importantes
restaurations qu’il a déjà effectuées
à Saint-Jacques, Saint-Denis, Saint-Martin ou Saint-
Christophe.
L'église
entièrement rénovée est reconsacrée
le 28 mai 1894 par l'évêque de Liège Victor
Joseph Doutreloux.
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L'église
Saint-Gilles avant 1885, avec sa seule nef orientale. |
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Les
démolitions au pied de la
tour, dès 1891, sont préparatoires à l’ajout
d’une nef occidentale. |
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Du
complexe monastique d'antan, il ne reste donc que l'église,
elle-même profondément modifiée.
Sur
cette photo de 1967, le rectangle rouge délimite approxima-tivement
ce qui subsiste de l'édifice du XIIème siècle,
le reste datant des rénovations et agrandissements de
la fin du XIXème. L'ensemble
allie harmonieusement les styles roman et néo-roman. |
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Sur
l'affiche ci-contre ( 11 janvier 1942 : journée spéciale
organisée par la paroisse pour récolter des
dons et envoyer des colis aux prisonniers de guerre ), l'église
Saint-Gilles figure dans les pensées du soldat détenu
en Allemagne.
À
côté de l'église, on aperçoit quelques
bâtiments qui constituent les derniers vestiges de l'ancienne
abbaye, occupés à l'époque par des
Soeurs françaises de la Sainte Famille du Sacré-Coeur
(cf. plus loin, dans le chapitre « Cour Saint-Gilles »).
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Le
culte de Saint-Gilles
:
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La
statue de saint Gilles conservée dans l'église
de Liège du même nom a été sculptée,
vers 1340, par le Maître de la Madone de la Gleize. Plus
grande que nature, elle mesure 2 mètres 27.
Au
fil des siècles, cette sculpture polychromée a
subi des restaurations maladroites. Les yeux du personnage,
de retouche en retouche, ont été considérablement
agrandis, lui donnant une expression d'effarement.
La
polychromie primitive a été rétablie par
l'artiste et archéologue liégeois Jules Helbig
à partir de 1885, mais l'expression locale « i
fait des oüys come Sint Djîle l'èwaré
! » ( « il fait des yeux comme Saint-Gilles l'ahuri
» ) a survécu. |
Une
procession parcourt chaque année les rues de la paroisse, pendant
la neuvaine du 1er au 9 septembre.
Cette neuvaine, période de prières, permet aux croyants
de prier saint Gilles pour les préserver, eux et leurs enfants,
des maladies nerveuses et des frayeurs nocturnes.
Ces
manifestations de foi, autrefois, attiraient une assistance nombreuse.
Voici ce qu'écrit Charles Delchevalerie, écrivain wallon,
dans la première moitié du XXème siècle
:
«
Ce jour-là, sur la courette qui entoure l'antique et petite
église romane aux pierres noircies, règne l'affairement
d'un pèlerinage des temps médiévaux.
Autour du moustier rustique, des carrousels tournent et des échoppes
offrent aux marmots des jouets naïfs et bigarrés. Une
foule pieuse piétine et s'engage sous la voûte nue du
temple : ce sont des femmes et des enfants qui vont faire leurs dévotions
au patron du lieu, dont l'effigie, par ses yeux égarés,
a conquis une renommée séculaire. On prie saint Gilles
pour éviter aux enfants les convulsions et les crises nerveuses.
Un
va et vient s'organise autour d'une table où les pèlerins
déposent des offrandes et des cierges ; ils défilent
devant le saint hagard sous ses boucles ; ils font toucher aux petiots
sa jambe ou le pied du chevreau ( la biche ) qui se dresse contre
lui.
Le
rite accompli, on passe dans une chapelle voisine où le prêtre
officie, puis on gagne la sortie après une prière, et
l'on se répand dans les boulangeries des alentours où
furent mises au four, pour la circonstance, les tartes au riz et aux
prunes... La croyance populaire se manifeste ainsi, aux portes de
la ville, par une survivance pleine de caractère ».
(Autour
du perron, images liegéoises, 1932)
De
nos jours ( photos de 2006 ), il faut reconnaître que ces cérémonies
religieuses n'ont plus pareil succès ; même la fête
foraine associée à l'événement est réduite
à sa plus simple expression :
La
fête foraine en septembre 1979, avec un manège
du type chenille accolé à l’église.
Les décennies précédentes, les attractions
étaient bien plus nombreuses, situées non seulement
cour Saint-Gilles, mais aussi au sommet de la rue Henri Maus,
le long du boulevard Kleyer ou place des Grands Champs (autos-scooters). |
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Le tremblement de terre de 1983 :
Le
8 novembre 1983, l'église est ébranlée par le
tremblement de terre qui secoue l'agglomération liégeoise.
En
attendant les restaurations nécessaires, les offices sont célébrés
dans la chapelle de l'école Saint-Sébastien toute proche.
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Le
9 novembre, le lendemain du sésisme, la reine Fabiola
se rend à Saint-Nicolas, région liégeoise
particulièrement touchée, pour réconforter
la population. Accueil aux Grands Champs par Edouard Close,
bourgmestre de Liège, et Freddy Donnay, bourgmestre de
Saint-Nicolas.
En
septembre 1984, une partie de l'édifice délimitée
par des barrières Nadar est de nouveau accessible, à
l'occasion de la neuvaine annuelle en l'honneur de saint Gilles. |
En
ce début septembre 1984, la procession religieuse est précédée,
la veille, par le
« pèlerinage des musiciens ». La fanfare de Saint-Pholien
les Prés en tête, des chanteurs et instrumentistes, partent
de la place de la Cathédrale et remontent toute la rue Saint-Gilles
jusqu'au haut du Publémont, où ils sont bénis
dans la cour de l'école Saint-Sébastien.
Le
« pèlerinage des musiciens » ! Une tradition
qu'on n'avait plus observée depuis des siècles.
C'est le chroniqueur Jean d'Outremeuse qui nous en apprend l'existence
au XIVème siècle. A cette époque, il était
coutume qu'un cortège de musiciens, le 1er septembre,
fête de saint Gilles, se rende de la place du Marché
à l'abbaye pour célébrer Goderan, leur
ancien confrère devenu ermite. Les participants affublés
de coiffures excentriques s’amusent à tirer de
leurs instruments des sons discordants, d’où l’expression
locale « les krinkrins de Saint-Gilles » .
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Cette
tradition n'avait plus été célébrée
depuis le sac de Liège, en 1468, par les troupes de Charles
le Téméraire... Et elle ne l'a plus été
depuis !
La
cour Saint-Gilles :
Une
partie de l’abbaye d’antan est démolie en 1899
lors de l’agrandissement du cimetière paroissial créé
en 1817. Subsistent néanmoins certaines constructions, dont
celles bordant la cour intérieure au sud et à l’est.
La rue de l’église s’appelle d’ailleurs la
cour Saint-Gilles en référence à cette ancienne
cour (le rectangle rouge sur la gravure ci-dessous). Depuis 1909,
l'endroit se présente comme une petite place publique à
la hauteur de l’édifice paroissial.
Une
gravure de Remacle Le Loup montrant l'abbaye
vue de l'intérieur vers 1740. |
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Le
même endroit au début du XXème siècle
et en 2009. Les derniers bâtiments de l'ancienne abbaye
ont été démolis en 1958 |
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L'immeuble
du 31 cour Saint-Gilles (photo de 1955) comporte des éléments
de murs anciens qui constituent les seuls vestiges de l'ancien
couvent. Il est affecté aux oeuvres paroissiales. |
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La
cour Saint-Gilles vue de l'esplanade du cimetière en
2008. Les bâtiments modernes désignés par
la flèche sont ceux de l'école fondamentale Saint-Sébastien. |
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À
l’origine de l’actuelle école mixte Saint-Sébastien,
figurent une école pour garçons et une autre pour filles,
créées l’une à côté de l’autre,
la première en 1879, la seconde en 1882.
En
ce qui concerne l’éducation des filles, il est d’usage
à l’époque d’en confier la charge à
des religieuses. La paroisse, après s’être adressée
en vain à des congrégations belges, fait finalement
appel à des Soeurs de Notre-Dame originaires de Soissons, lesquelles
arrivent en 1887. Des Filles de Marie-Auxiliatrice de Don Bosco leur
succèderont en
1919. Elles exerceront des fonctions de direction et d’enseignement
jusqu’au début des années 1980. De moins en moins
nombreuses, elles se consacreront par la suite à des activités
parascolaires et à la catéchèse paroissiale.
La dernière à quitter la cour Saint-Gilles se retirera
en 2007 dans une Maison provinciale de sa congrégation.
Une
classe de maternelle en 1925. |
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Une
classe de filles en 1916. |
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Une
classe de garçons en 1931. |
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L'école
des garçons en 1936. Ce bâtiment sera endommagé
par un V1 en 1944 et remplacé par des locaux modernes
dès 1946. |
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Les
locaux de 1946 pendant des
travaux de rénovation en janvier 2013. |
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La
cour de récréation, en 1950, de l'école
des filles et des maternelles mixtes. Les bâtiments de
gauche seront détruits quatre ans plus tard. |
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Le
chantier de la nouvelle école des filles en 1954. Cette
infrastructure deviendra le coeur administratif de l’école
quand celle-ci adoptera la mixité. |
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Au
début du XXème siècle, il existe, à Saint-Gilles,
d'autres religieuses que celles qui s'occupent de l'école fondamentale
des filles. Ainsi, dès 1901, des soeurs françaises qui
fuient les lois anti-congrégations viennent s'installer dans
ce qui reste des anciens bâtiments abbatiaux. Ce sont les Soeurs
de la Sainte Famille du Sacré-Coeur, qui resteront là
jusqu'en 1948.
Le
couvent des soeurs françaises au début du XXème
siècle. |
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Le
même endroit en 2006. |
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Les rues Saint-Nicolas et Ferdinand Nicolay
:
Cette
carte postale de 1920 a été prise depuis le début
de la cour Saint-Gilles. En face, au-delà de l'attroupement,
s'ouvre la rue Saint-Nicolas en direction de Montegnée. |
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Dans
les années 1930. |
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En
2006. |
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La
rue Saint-Nicolas en 1910-1920. |
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En
2008. |
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Rue
Saint-Nicolas, près de Saint-Gilles, se trouvait autrefois
un dépôt des trams
vicinaux ; cet endroit accueille de nos jours divers centres de formation
professionnelle, dont AutoForm, spécialisé dans les
métiers de l'automobile.
Quant
à la rue Ferdinand Nicolay ( du nom d'un homme d'affaires
belge du début du XXème siècle, généreux
à l'égard des bureaux de bienfaisance ), elle
permet de descendre vers Tilleur : |
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La
rue de Tilleur
:
La
rue porte officiellement ce nom depuis 1877 ; elle est ainsi appelée
parce qu'elle aboutit à la localité de Tilleur, laquelle
devrait son nom aux tilleuls qui abondaient autrefois sur son territoire.
Le
« thier de Tilleur » est déjà cité
au XIVème siècle, et c'est au milieu du XVIIIème
que ce chemin est élargi et pavé, tout comme celui de
Saint-Laurent à Saint-Gilles (l'actuelle rue Saint-Laurent
). Ces voiries constituent alors, au départ de Liège,
le premier tronçon de la « route de France »,
route qui mène vers le sud via Seraing, Huy et le Condroz.
De Tilleur à Seraing, c'est un bac qui permet de traverser
la Meuse.
La
rue de Tilleur vue depuis la rue Saint-Gilles en 1938. |
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En
2004. |
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L'embranchement
en 1966 de la cour Saint-Gilles, de la rue de Tilleur et de
la rue Courte. |
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Le
même endroit en octobre 2011, lors de démolitions
préparant la construction d'un petit building à
vocation résidentielle et commerciale. |
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Le
mur à gradins du cimetière Saint-Gilles, construit
en 1914, longe une grande partie de la rue de Tilleur.
Les cheminées, dans le fond, sont celles du dépôt
des tramways vicinaux de la rue Saint-Nicolas. Cette station
possède en effet sa propre unité de production
d’électricité. |
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La
même perspective en 2006. |
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Fin
février 2004, une journée d'hiver un peu
plus enneigée que d'habitude :
Les
Grands Champs :
La
place des Grands Champs n'existe pas ; on appelle ainsi,
dans le quartier, l'espace public compris entre la rue de Tilleur
et le début de la rue des Grands Champs.
La
rue de Tilleur vue de la « place » des
Grands Champs
vers 1930, en septembre 2006 et en novembre 2008. |
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La
rue des Grands Champs en 1954. |
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En
2008. |
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Les
Grands Champs de Saint-Gilles constituent jadis un endroit malfamé
et presque désert. Le lieu est sinistre, avec des terrains
laissés en friche et mal entretenus. Des brigands trouvent
repaire dans les bois avoisinants et sévissent dans les chemins
bordés de buissons, propices aux traquenards. Sous l’Ancien
Régime, l’imagination populaire y suppose même
des sabbats de sorcières. Au début du XIXème
siècle encore, le quartier n’est fréquenté
que si la nécessité l’exige ; s’il s’urbanise
par la suite, c’est grâce au développement de la
houillère Piron (voir plus loin les origines de ce charbonnage).
La mauvaise réputation d’antan s’explique par la
présence aux Grands Champs, jusqu’à la fin du
XVIIIème siècle, d’un gibet qui sert aux exécutions
capitales. Les funestes installations se situent en bordure de l’actuelle
rue de la Justice.
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Ce
fragment de carte Ferraris (années 1770) nous permet
de situer l’abbaye de Saint-Gilles (1), l’allée
des Grands Champs (2) et l’actuelle rue de Tilleur (3).
Le tracé marqué (4) préfigure la rue de
la Justice, dont la partie en pente s’appelle à
l’époque le chemin des Suppliciés, car c’est
par là que les défunts sont emportés pour
être enterrés au cimetière de l’ermitage,
sur le Vieux Thier (5). |
Aux
premiers temps de la Cité de Liège, les exécutions
capitales ont lieu à l’empla-cement où se trouve
de nos jours le
quartier militaire Saint-Laurent, ancienne abbaye bénédictine
fondée au début du XIème siècle. C’est
probablement lors de la construction de ces bâtiments monacaux
que le lieu de souffrance est transféré plus haut sur
la colline. L’existence aux Grands Champs du gibet de justice
de la principauté n’est cependant attestée qu’au
début du XVe siècle, dans un écrit du chroniqueur
Jean de Stavelot.
On n’exécute à Saint-Gilles que les malfaiteurs
non citoyens liégeois. Les citadins subissent leur peine sur
la place du Marché, ou sur les degrés de la cathédrale
Saint-Lambert s’ils sont de condition sociale élevée.
Haut de quatre mètres cinquante environ, le gibet est composé
de trois colonnes de pierre disposées en triangle, et les poutres
qu’elles supportent permettent neuf pendaisons simultanées.
Les bourreaux procèdent aussi à d’autres châtiments :
la décapitation, le bûcher et le supplice de la roue.
Quand les condamnés en provenance de l’Official
arrivent en charrettes au sommet de la rue Saint-Gilles, ils sont
conduits à la potence par un petit chemin dit des « Patients
» (du latin « patiens », « qui souffre »).
Situé du côté des prairies surplombant le Laveu,
cet itinéraire les fait passer à l'arrière de
l’abbaye pour les empêcher d’y demander le droit
d’asile.
Non
loin de là, existent les rues du Laveu et de Joie. La
tentation est grande de considérer que ces appellations
ont un rapport avec le lieu de supplice des Grands Champs, si
on pense à l'aveu des prisonniers et à la joie
des condamnés graciés ! Mais
ce serait des familles illustres des XIVème et XVème
siècles, les Lavoir et les Joye, qui seraient plutôt
à l'origine de ces noms.
Le
gibet a heureusement disparu depuis longtemps, mais une expression
wallonne a survécu dans la région quand il s'agit
d'éconduire quelqu'un : « Vas ti fé pinde
à Sint-Djîle ! » ( « Va te faire pendre
à Saint-Gilles ! »). |
Le
Bel-Horizon :
La
rue Bel-Horizon en 2006. Son seul horizon est un écran
de végétation laissant entrevoir le terrain rougeâtre
de l'EY Liège
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Les
boulevards Gustave Kleyer et Louis Hillier :
Le
boulevard Gustave Kleyer porte le nom du bourgmestre de Liège
en fonction lors de l'Exposition
universelle de 1905. Son premier tronçon, de Cointe au
Bois l'Évêque, a d'ailleurs été aménagé
dès 1903 dans le cadre de cette somptueuse manifestation, pour
servir de magnifique promenade permettant d'admirer le panorama de
la ville.
À
l'époque, on l'appelle le boulevard de Cointe. Il sera
prolongé jusqu’à la rue des Wallons de 1904 à
1907, puis jusqu’à la rue Henri Maus en 1908-1909. Il
changera de nom en 1921, quand son concepteur Gustave Kleyer
sera contraint de renoncer à son mandat maïoral pour cause
de cécité.
Le
boulevard Gustave Kleyer en avril 2006 (Liège-Bastogne-Liège)
à la hauteur de la rue Bel-Horizon. |
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Ces
logements sociaux de la Maison liégeoise, terminés
en 1921, seront vendus à des particuliers dès
1956. |
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En
2006. |
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L’église
Saint-Gilles en 1949, à proximité d'anciens bâtiments
monacaux qui seront détruits dans la décennie
suivante. Les pavés, à l’avant-plan, sont
ceux de la rue Henri Maus en provenance du Laveu. Le photographe
se tient dos au boulevard Kleyer, avec face à lui les
terrains vagues et prairies où s’ouvre de nos jours
le boulevard Hillier. |
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Le
même endroit en 2008. Les bâtiments au centre de
la photo (1) sont l'atelier protégé « La
Lumière », destiné aux aveugles et malvoyants.
La rue Henri Maus (2), provenant du Laveu, coupe l'enfilade
actuelle des deux boulevards, Gustave Kleyer (3) et Louis Hiller
(4). |
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Voie
très ancienne appelée initia-lement rue
du Haut-Laveu, la rue
Henri Maus porte depuis 1889 le nom du célèbre
ingénieur belge qui a
conçu le plan incliné assurant la jonction
ferroviaire entre la gare d’Ans
et la gare des Guillemins (que l'on voit sur la gravure
ci-contre en 1845). |
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La
photo ci-dessous représente la rue Henri Maus avant-guerre.
L'ovale indique l'emplacement d'une briqueterie, dont on aperçoit
les voûtes des fours. Au-delà des maisons soulignées
de rouge, un chemin pavé accède au boulevard Kleyer.
Le boulevard Hillier n'existe pas encore ; c'est la ruelle des
Patients qui longe le cimetière, près de l'église
Saint-Gilles et du couvent. |
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1952
: la rue Henri Maus arrivant sur le plateau Saint-Gilles à
la fin du boulevard Kleyer. Le boulevard Louis Hillier sera
construit en 1967-68 dans les prairies que l'on voit devant
le mur du cimetière. |
Le
boulevard Louis Hillier porte le nom du musicien qui a composé
le
« Tchant dès Walons » en 1901 (cet air, avec des
paroles de Théophile Bovy, est depuis 1998 l'hymne de
la Région wallonne de Belgique).
1967
: les terrassements préparant le tracé du futur
boulevard Hillier (dans le fond, on entrevoit l'école
Bensberg). |
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1967
: les travaux d'aménagement du boulevard à la
hauteur de la rue Henri Maus. |
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Le
boulevard tout neuf en 1968, avec les abords de l'église
Saint-Gilles non encore arrangés. |
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1969,
après les passage des jardiniers du service des plantations
et de l'entretien des espaces publics. |
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Depuis
1984, le boulevard Hillier et les pelouses proches de l'église
romane accueillent tous les samedis matin une brocante appelée
« les petites puces de Saint-Gilles » :
Le
boulevard Hillier en avril 2008 et février 2013. La
végétation visible dans le cadre rouge a été
sacrifiée au profit de la construction d'une unité
de soins psychiatriques |
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Le
boulevard Sainte-Beuve :
Cette
artère est ouverte en 1954 à travers les prairies et
terrains maraîchers qui s’éten-dent entre le sommet
de la rue Saint-Gilles et la rue du Snapeux. Elle sera prolongée
en 1962 jusqu’à la place Saint-Nicolas, dans le cadre
du réaménagement routier qui bouleverse le quartier
de Burenville.
Le boulevard commémore le passage dans notre cité de
l'écrivain français Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869),
lequel a été professeur de littérature à
l’université de Liège pendant l’année
académique 1848-1849.
Le
boulevard Sainte-Beuve en avril 1967 pendant le chantier
du boulevard Louis Hillier. |
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Le
même endroit en 2013. |
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Le
boulevard peu après 1962. |
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En
2009. |
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Du
côté de Burenville en 1963, lors du chantier des
logements sociaux de la Maison liégeoise. |
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En
2009. |
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Le
charbonnage de La Haye
:
Dès
1819, la société de charbonnage de La Haye abandonne
la fosse du Bois Mayette et continue d’exploiter le sous-sol
à partir d’un autre siège situé sur le
dessus de la rue Saint-Gilles, près de la rue Chauve-Souris.
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Rue
de la Haye (la photo ci-contre date de mai 2013)... Rien à
voir donc avec la ville où siège le gouvernement
des Pays-Bas.
L'appellation provient de l'ancien charbonnage de La Haye. Il
s'agit d'une voie très ancienne, citée dès
le XIVème siècle comme le lieu-dit « longue
haie » et réaménagée en 1877 par
la houillère pour y loger ses mineurs. |
La
ville de Liège vue en 1840 depuis les hauteurs de Saint-Gilles,
œuvre du lithographe français Édouard Hostein
(1804-1889). À l’avant-plan droit, l’artiste
a représenté les installations de la houillère
de La Haye. Ces bâtiments dissimulent le terril de coteau
qui descend jusqu’au quartier du Laveu. |
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Sur
cette vue du début du XXème siècle, la
flèche désigne le terril de coteau de la houillère
de La Haye (ce crassier est toutefois interdit d'utilisation
depuis 1881, à la suite d'un effondrement de déblais
dans la rue du Haut-Laveu devenue la rue Henri-Maus). Le rectangle
signale l’orphelinat Saint-Jean-Berchmans, géré
par des Salésiens depuis 1891 et point de départ
de l’actuel centre scolaire Don Bosco. |
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Les
mêmes repères en 1986. L'ancien site du charbonnage
est occupé par des buildings résidentiels. |
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Le
site saint-gillois du charbonnage de La Haye au début
du XXème siècle.
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En
1874, le
charbonnage de La Haye inaugure un nouveau siège au Bois Saint-Gilles,
près des Grands Champs, à l'emplacement d'une ancienne
bure nommé « Piron » (voir sur la carte
ci-dessous à gauche).
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Le
trait sinueux noir représente le tracé d'une
voie de chemin de fer reliant le siège principal du
charbonnage de La Haye à son annexe du Piron, dont
le terril reçoit également les résidus
miniers issus de
l’exploitation du haut de la rue Saint-Gilles (depuis
l'accident de 1881, les autorités communales interdisent
tout déversement à flanc de coteau sur le versant
du Laveu).
Le
départ des wagonnets au siège d'exploitation
de la rue Saint-Gilles.
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La
houillère Piron a fermé en 1930 (quatre ans avant
le siège principal de La Haye). Ces vestiges ont été
photographiés en 1949. |
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Le
même endroit en 2009. Les anciens bâtiments de la
houillère ont été reconvertis en ateliers
et appartements. |
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Du
côté du Bois Saint-Gilles et des Grands Champs,
le terril Piron se fond dans le paysage parce qu’il présente
l’aspect d’un plateau contigu, où on a même
aménagé tout un temps deux terrains de football. |
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Mais
il s'agit d'un terril de coteau, et il faut se trouver du côté
de la vallée pour en découvrir les versants abrupts.
La photo ci-dessous date de 1970. |
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Revenons-en au siège principal du charbonnage de La Haye,
au sommet de la rue Saint-Gilles.
La
houillère d'antan, vue depuis la rue Saint-Laurent. À
l'avant-plan gauche, il s'agit de maisons ouvrières,
construites par la direction du charbonnage pour loger ses mineurs
à proximité des puits. Le contenu actuel du rectangle
rouge figure sur la photo couleur suivante (2013). |
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Dans
le commentaire précédent, il est question de logements
pour les mineurs de la houillère. Ces immeubles n'existent
plus. Ils étaient situés le long d'une voirie
dont on devine toujours l'entrée du côté
pair de la rue de la Haye. |
Au
lendemain de la première guerre mondiale, un transporteur
aérien métallique (1) est mis en service pour
acheminer le charbon du siège d’extraction de Saint-Gilles
(2) vers une station de triage-lavage sise au Laveu (3). Opérationnelle
jour et nuit, cette bruyante passerelle mécanisée
franchissait la rue Henri Maus et surplombait une partie du
quartier. |
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La
rue Henri Maus, la voici à son sommet sur un dessin
du début du XXème siècle. Dans le fond,
on aperçoit les installations du charbonnage de La
Haye.
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Le
même endroit au milieu des années 1960. À
l’emplacement désigné par la flèche,
va bientôt s’élever le premier building d’un
vaste projet immobilier. |
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C'est
la société immobilière Amelinckx qui acquiert
le terrain en 1965, dans l'intention d’y construire un
complexe d’immeubles à appartements, intégré
dans un environnement de verdure. |
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Cette
photo d'avril 1968 nous montre le premier building Amelinckx
en fin de construction. L'immeuble est baptisé la résidence
Plein Vent. |
Le
site de l’ancienne houillère de La Haye en 1968,
photographié depuis la résidence Plein Vent en
cours de construction. |
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La
même perspective de nos jours. Le deuxième building
Amelinckx, la résidence Chantebrise, a été
érigé dès 1977. |
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Un
troisième chantier, entamé par Amelinckx, sera
abandonné pour des raisons financières ; repris
par un autre promoteur, il donnera naissance, au milieu des
années 1990, aux résidences Albert et Paola. |
En
1967. |
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En
2012. Le site continue d'intéresser les promoteurs immobiliers. |
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La
rue Chauve-Souris
:
En
provenance du Bas-Laveu, la rue Chauve-Souris est principalement constituée
d’une succession d’escaliers. Au sommet de la colline,
elle reprend l’apparence d’une voie carrossable avant
de faire jonction avec la rue Saint-Gilles.
L’appellation « Chauve-Souris » est utilisée
depuis très longtemps quand les autorités liégeoises
l’officialisent en 1881. Une allusion aux mammifères
volants qui hantent les galeries de mines désaffectées,
dans cette région houillère exploitée dès
le Moyen Âge.
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Avant
d’accéder au plateau Saint-Gilles, cette partie
de la rue Chauve-Souris n’est
qu’une venelle taillée dans la futaie (la photo
date de 1956).
Le
dernier tronçon de la rue Chauve-Souris, à Saint-Gilles,
vers 1960.
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La
rue Chauve-Souris (Saint-Gilles) dans les années 1950. |
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Au
début des années 1960, quand on démolit
les habitations situées du côté impair. |
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En
2009. |
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En
2011, pendant le chantier
des villas T-Palm. |
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Je
tiens à remercier, pour m'avoir fourni les renseignements et
documents nécessaires à la réalisation de cette
page :
Mesdames
Claire Chaussée, Andrée Closset et Suzanne Delarbre
Messieurs Christophe Barbason, Martin Boron (curé de la paroisse
Saint-Gilles), Jean-Pierre Ers (Département de l'Urbanisme
de la Ville de Liège), Richard Marquet (passionné par
l'histoire de son quartier), Marcel Moreau, Guillaume Musique (†)
et Laurent Truillet (collection Decroupet).
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