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PRÉHISTOIRE : Des outils en pierre taillée (dont des lamelles légères en forme de pointes servant à armer les flèches), datés de 80000 à 50000 ans avant Jésus Christ, ont été retouvés dans les environs de l'actuelle place Saint-Lambert. Des Néanderthaliens nomades, vivant de pêche et de chasse, ont donc été de passage, attirés par les multiples bras de la Meuse et leurs alentours giboyeux.
ÉPOQUE GALLO-ROMAINE : Aux Ier et IIème siècles après Jésus Christ, des bâtiments « à la romaine », équipés d'un chauffage domestique par hypocauste, occupent le site de la place Saint-Lambert, entre deux bras de la Légia (*). Probablement les constructions principales d'une « villa », c'est-à-dire d'une exploitation agricole. (*) Ce ruisseau tortueux est aujourd'hui canalisé et souterrain. Aux époques que nous évoquons, il dévale d'Ans en suivant approximativement le tracé des actuelles rues Sainte-Marguerite, de l'Académie et de Bruxelles, pour atteindre la plaine de la Meuse où il s'étiole en différents bras. Les premiers habitants tirent profit de son cône de déjection, haut d'au moins sept mètres, permettant d'échapper aux inondations de la Meuse tout en profitant de sa proximité. Le site est à l'abri des vents du nord, et à l'opposé, le versant de Pierreuse exposé au sud est favorable aux cultures. Le vallon fournit du bois à profusion. Le
nom du ruisseau, la Légia, dérive du mot « Liège
» et non l’inverse. L’appellation
LES DÉBUTS DU MOYEN ÂGE : Au VIème siècle, le site de l'actuelle place Saint-Lambert est occupé par une bourgade mérovingienne, construite en partie sur les ruines de la villa romaine. Le sol fertile, le long de la Légia, est exploité par une petite population rurale. Un oratoire, près des chaumières, atteste de la christianisation des lieux. Cet oratoire dédié aux saints Cosme et Damien, la légende en attribue la construction à Monulphe, évêque du diocèse Tongres-Maastricht dans la seconde moitié du VIème siècle.
Si
saint Monulphe fait bâtir ce lieu de dévotion, vers 558
dit-on, c'est parce qu'il est émerveillé en découvrant
ce petit village blotti dans un vallon pittoresque, alors qu'il est
en chemin de Dinant (dont il est originaire) vers Maastricht ; il
prophétise que l'endroit deviendra plus tard une ville puissante,
pour le salut d'un grand nombre de fidèles. LE MARTYRE DE SAINT-LAMBERT : Un siècle et demi plus tard, le diocèse de Tongres-Maastricht est dirigé par l'évêque Lambert. Quand celui-ci se déplace dans nos régions, il aime s'arrêter dans l'humble bourgade liégeoise pour prier et se reposer. Et c'est là qu'il est assassiné, avec son entourage, par les hommes d'armes de Dodon, un haut fonctionnaire de l'État franc qui veut venger la mort de deux des siens, tués un peu plus tôt par des proches de Lambert. Un problème de vendetta qui met en lumière les luttes sanglantes que peuvent se livrer deux puissantes familles rivales pour assurer leur pouvoir sur la région. La date habituellement retenue pour ce drame est le 17 septembre 705.
Lambert est d'abord inhumé à Maastricht, mais le lieu de son supplice attire les pèlerins, et on parle même de guérisons miraculeuses ! L'évêque Hubert (705-727) fait bâtir à Liège une église où sont transférées les reliques de son prédécesseur. Le culte voué au martyr prend tellement d'ampleur que la bourgade se transforme rapidement en une importante agglomération urbaine, qui finit par devenir le siège du diocèse en remplacement de Maastricht. Charlemagne – qui séjourne fréquemment dans son palais d’Herstal – y célèbre les fêtes de Pâques en 770.
LIÈGE DOIT NOTGER AU CHRIST ET LE RESTE À NOTGER : Au début du Xème siècle, la Lotharingie passe sous l'autorité des rois de Germanie. En 962, Otton I se fait couronner « empereur et auguste » par le pape à Rome. Il marche ainsi sur les traces de Charlemagne, qui s'était aussi fait sacrer empereur d'Occident près de deux siècles plus tôt. Dès lors, et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, Liège fera partie du Saint Empire romain germanique.
Enrichi par les dons des souverains germaniques, Notger se lance dans un vaste programme de construction qui va remanier complètement la physionomie de Liège.
Il fait construire ou achever plusieurs collégiales : Saint-Paul
et Saint-Martin (commencées sous son prédécesseur
Éracle), Sainte-Croix, Saint-Jean-l’Évangéliste,
Saint-Denis ; et dote la cité d’une enceinte fortifiée.
LA DESTRUCTION DE LA VILLE AU XVème SIÈCLE : Pour s’approprier la principauté de Liège, le duc de Bourgogne Philippe le Bon, en 1455, impose son neveu Louis de Bourbon comme prince-évêque. Quand Philippe le Bon meurt, c’est son fils Charles le Téméraire qui lui succède. Les Liégeois tentent alors de se révolter, mais leurs milices, en octobre 1467, sont vaincues à Brusthem (Hesbaye) par l'armée du nouveau duc.
Les troupes bourguignonnes progressent vers Liège pour mâter définitivement la rébellion. Gui de Brimeu, seigneur d'Humbercourt, lieutenant du duc de Bourgogne, prend ses quartiers à l'abbaye de Saint-Laurent. Charles le Téméraire lui-même y loge cinq jours. Des négociations avec des notables liégeois évitent l'affrontement : le duc reçoit les clés de la ville. A la suite de cette « Paix de Saint-Laurent », le pays de Liège devient un État vassal du duc de Bourgogne ; le prince-évêque, son simple représentant. Toutes les libertés sont abolies, et le perron, symbole de ces libertés, est transféré à Bruges ! En 1468, les revenchards liégeois se révoltent à nouveau, profitant que Charles le Téméraire est en guerre contre la France de Louis XI. Le duc entre dans « une rage qui confine à la folie ». Le 27 octobre, son armée est aux portes de Liège. Dans la nuit du 29 au 30 octobre, les Liégeois tentent une solution désespérée avec l'aide de six cents volontaires venus, dit-on, de la région de Franchimont. Conduits par Vincent de Bueren et Gossuin de Streel, ces hommes courageux, entrés dans la légende grâce au chroniqueur Philippe de Commines, escaladent la colline de Sainte-Walburge (on dirait aujourd'hui: les coteaux de la Citadelle), au sommet de laquelle est établi le campement bourguignon. Ils comptent sur l'effet de surprise pour capturer Charles le Téméraire et inverser le rapport de force. Le raid est une mission impossible, et les héros périssent dans un combat inégal.
Le 30 octobre, dès l'aube, les hordes bourguignonnes pénètrent dans Liège, qui est mise à sac et incendiée. Un incendie qui va durer sept semaines, raconte la légende, mais qui épargnera les édifices religieux !
En 1477, Charles le Téméraire trouve la mort devant Nancy, et le perron revient à Liège après 10 ans d’exil.
LA RÉVOLUTION LIÉGEOISE : A
la fin du XVIIIème siècle, les Liégeois se sont
attachés aux idées des philosophes qui, en France, critiquent
l’ancien régime et demandent des réformes. Les
idées nouvelles de liberté, égalité, fraternité,
trouvent des adeptes de plus en plus nombreux. Les patriotes exilés rentrent avec l’armée française, tandis que le prince-évêque François Antoine Marie de Méan prend la fuite (Hoensbroeck est décédé quatre mois plus tôt). Une assemblée nationale liégeoise, élue par les citoyens, décide en février 1793 le rattachement de la principauté de Liège à la France.
Mais quelques jours plus tard, les armées françaises subissent un échec, et les Autrichiens réoccupent Liège, ramenant l’ancien régime et le prince-évêque. Restauration de courte durée, car le 26 juin 1794, les troupes républicaines de Jean-Baptiste Jourdan remportent la victoire de Fleurus. Les Autrichiens évacuent le 27 juillet. Le 1er octobre 1795, la principauté de Liège (ainsi que le reste de la Belgique) est réunie à la république française. Liège devient le chef-lieu du département de l’Ourthe.
Dans le contexte de la révolution liégeoise, il est décidé, dès fevrier 1793, de détruire cet édifice qui symbolise l'arrogance autoritaire de l'ancien régime. Mais un mois plus tard, la victoire autrichienne à Neerwinden (Landen, en Brabant flamand) entraîne le retour du prince-évêque et une période de répression. Quand les troupes républicaines françaises entrent à Liège fin juillet 1794, après avoir vaincu les Autrichiens à Fleurus, la démolition de la cathédrale Saint-Lambert revient à l'ordre du jour. En fait, cette démolition va s'accomplir lentement, car l'édifice est une mine à ciel ouvert que l'on exploite en fonction des circonstances et des besoins. Les plombs des toitures, cuivres et bronzes, sont envoyés à la fonderie « pour faire des balles pour exterminer les satellites des tyrans » ; les boiseries sont récupérées à des fins militaires ou de travaux publics; objets et matériaux sont vendus aux enchères... L'emplacement de l'actuelle place Saint-Lambert va rester un amas de ruines pendant près de trois décennies !
L'URBANISME CONQUÉRANT DU XIXème SIÈCLE : L’essor économique dont bénéficie le bassin liégeois à partir du régime hollandais (1815-1830) a des répercussions immédiates sur les travaux publics. On cherche d’abord à gagner du terrain à bâtir en comblant les biefs de la Meuse qui sillonnent le cœur de la ville. Ces modifications, dès 1823, donnent naissance aux rues de l’Université et la Régence, qui jouent un rôle important dans la communication vers l’université naissante et la nouvelle cathédrale.
Une autre décision concerne l’affectation de l’espace laissé libre par la disparition de l’ancienne cathédrale. On pense à en faire un lieu important, à l’image de l’essor de l’industrie et du capitalisme. La place Saint-Lambert naît officiellement en 1827 ; elle deviendra peu à peu la plaque tournante d’un trafic important, le point de concentration d’un commerce très actif et l’aire de distribution d’artères très animées.
En 1844, le bief de la Sauvenière est complètement voûté, ce qui donne naissance à une promenade plantée d’arbres, devenue l'actuel boulevard de la Sauvenière.
Au milieu du XIXème siècle, la Meuse et l'Ourthe comporte de nombreux bras qui traversent la cité ; la navigation y est difficile, et les inondations constituent une menace permanente. De 1853 à 1863, on entreprend d'importants travaux pour rectifier le tracé de ces cours d'eau et créer la Dérivation. On profite de la rectification du cours de la Meuse pour réaliser, au sud de Liège, un bassin dit du Commerce : un port urbain de 40000 m² situé entre les Guillemins et le boulevard Piercot, parallèle au fleuve auquel il est relié par deux chenaux avec écluses.
Ce bassin s'avère très vite mal adapté aux besoins des bateliers, et l'île qui se trouve entre lui et la Meuse reste à l'abandon. À la fin des années 1870, Guillaume-Hubert Blonden, directeur des travaux à la ville de Liège, décide d'établir à cet endroit un nouveau quartier résidentiel. Le bassin et ses chenaux sont comblés (l'étang du boulevard d'Avroy en est une survivance), et sur l'ancienne île devenue terre ferme, on aménage des jardins appelés les « Terrasses ».
La seconde moitié du XIXème siècle assiste également à l'essor des chemins de fer. Dès 1842, une première gare liégeoise est construite dans un endroit encore champêtre à l'époque, qu'on appelle les Guillemins. C'est le temps des pionniers audacieux, comme l'ingénieur Henri Maus, qui réussit le tour de force technique de relier la cuvette de Liège au plateau hesbignon en concevant son fameux plan incliné, mis en peuvre par les usines Cockerill. Le quartier des Guillemins se développe rapidement et mérite en 1863 la construction d'une nouvelle gare plus importante.
Dès 1873, le développement du transport par rail nécessite, au centre-ville, le percement d'un tunnel sous la colline de Pierreuse ; à la fin des années 1870, on édifie la première gare du Palais (du nom du palais de justice tout proche).
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