Les origines |
C’est
l’évêque Eracle, vers 968, qui initie la construction,
sur le Publémont, d’une église dédiée
à saint Laurent. Mais il faut attendre le prince-évêque
Réginard, près de 55 ans plus tard, pour ordonner l’achèvement
de l’édifice et lui adjoindre d’autres bâtiments
capables d’abriter une communauté monastique.
Une trentaine de moines bénédictins arrivent en 1026 de Saint-Vanne de Verdun, et c’est en novembre 1034 qu’a lieu la consécration officielle du monastère. Le prince-évêque Réginard dote la fondation d’importants revenus fonciers. Le donateur, à sa mort en 1037, aura l’honneur d’un mausolée devant le maître-autel de l’église.
L'église primitive, plusieurs fois modifiée au cours des siècles, a finalement été détruite en 1809.
Dès le début, l’abbaye se distingue par sa contribution aux arts. Au milieu du XIème siècle, on compte des moines mathématiciens, hagiographes, computistes, poètes, compositeurs… On y enseigne aussi le latin aux enfants. |
L'âge d'or |
Dès la fin du XIème siècle, l'abbaye de Saint-Laurent, qui adopte les coutumes de son homologue française Cluny (Bourgogne), connaît une activité culturelle intense. C'est de cette époque que date l'oeuvre connue sous le nom de « Vierge de Dom Rupert ».
Au départ, cette sculpture sert probablement de retable d'autel. Elle est alors richement polychromée et ornée de dorures. Si on l'appelle la « Vierge de Dom Rupert », ce n'est pas du nom de l'artiste qui l'a sculptée, mais à cause d'une légende qui veut qu'on la vénère afin d'obtenir le don d'intelligence. Voici l'origine de cette croyance: À la fin du XIème siècle, un jeune enfant nommé Rupert est recueilli au monastère de Saint-laurent. Il y grandit « sans que son intelligence ne se développe avec son corps ; son esprit, malgré les études, reste lourd et borné ». Un soir de 1096, agenouillé devant l'image de la Vierge placée dans l'oratoire de l'abbaye, notre simplet lui adresse une fervente prière pour solliciter les lumières qui lui font défaut.
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L'abbaye
de Cluny (France). |
Le
musée Curtius de Liège. |
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La grande crise |
Un abbé renonçant à ses charges, un autre aimant le faste et endettant l’abbaye, un autre acculé à la démission par son évêque, un autre encore gérant les biens de manière catastrophique… La fin du XIIIème siècle et le début du XIVème conduisent à la faillite et à la vente massive de propriétés. La discipline monastique se relâche, et le nombre de moines diminue considérablement. Le XIVème siècle est l'époque des papes d’Avignon, et la plupart des abbés originaires de France font peu pour le monastère. |
La reprise |
Dès le début du XVème siècle, l'abbaye renaît de sa longue période de crise, grâce au jeune abbé Dom Henri (natif de Liège), qui redresse la situation par un programme méthodique : remboursement des dettes, rénovation des bâtiments, enrichissement de la bibliothèque, restauration des règles monastiques...
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L'époque bourguignonne |
La seconde moitié du XVème siècle se caractérise par la domination bourguignonne. Pour s’approprier la principauté de Liège, le duc de Bourgogne Philippe le Bon, en 1455, impose son neveu Louis de Bourbon comme prince-évêque. Quand Philippe le Bon meurt, c’est son fils Charles le Téméraire qui lui succède. Les Liégeois tentent alors de se révolter, mais leurs milices, en octobre 1467, sont vaincues à Brusthem (Hesbaye) par l'armée du nouveau duc. Les troupes bourguignonnes progressent vers Liège pour mâter définitivement la rébellion. Gui de Brimeu, seigneur d'Humbercourt, lieutenant du duc de Bourgogne, prend ses quartiers à l'abbaye de Saint-Laurent. Charles le Téméraire lui-même y loge cinq jours. Des négoviations avec des notables liégeois évitent l'affrontement : le duc reçoit les clés de la ville. On dit que Charles le Téméraire est entré à Liège par « une brèche entre les portes Saint-Martin et Sainte-Marguerite ». Il faut rappeler que la cité, à l'époque, est protégée par un rempart, et que l'abbaye de Saint-Laurent est en dehors de cette enceinte. Le document ci-dessous ne date pas de l'époque bourguignonne (gravure de 1626), mais il illustre bien la situation:
Dans les jours qui suivent, après la vaine intervention des six cents Franchimontois, les hordes bourguignonnes se livrent au sac de la ville. Au pillage, succèdent le massacre des habitants puis l'incendie de la ville. L'abbaye de Saint-Laurent n'échappe pas au pillage. Le trésor, heureusement, a été mis à l'abri à Huy. Puis la vie continue : un moine copiste raconte en latin la mise à sac de Liège par les troupes bourguignonnes. |
Le reliquaire de Charles le Téméraire (trésor de la cathédrale), offert en 1471 à la ville de Liège, probablement pour se faire pardonner par l'Église des massacres commis |
Le sac de Liège en 1468 (peinture de Barthélemy Vieillevoye, 1842, Musée de l'Art Wallon, Liège). |